Festival d'Ambronay,16 septembre 2005
La 26ème édition du Festival d'Ambronay s'attelle à une programmation résolument espagnole, intitulée Eldorado… le souffle d'Iberia, qui naturelle-ment se tourne également vers les musiques des conquêtes américaines. Aussi, quoi de plus naturel que la soirée d'ouverture de la manifestation célébre le tétracentenaire de la publication de El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha de Miguel de Cervantès Saavedra ? Compagnon de toujours d'Ambronay, Jordi Savall y proposait vendredi Les Musiques de Don Quichotte,vaste fresque dansante où des romances empruntées à Antonio de Cabezon, Luys Milan ou Christobal de Moralès, entre autres, soutenaient la narration assumée par José Maria Flotats, comédien (an-cien pensionnaire du Théâtre français) et metteur en scène catalan vivant aujourd'hui à Madrid.
Après qu'une Folie festive ait introduit le climat de la soirée, le récitant, d'abord assez maladroit et conventionnel, va peu à peu prendre son envol, apportant emphase et parfois même démesure à l'histoire qu'il nous racon-te. Si son approche ne regarde pas d'un mauvais œil un gentil cabotinage, le sourire discret avec lequel il dira de ces choses emporte les suffrages - par exemple : "J'essuyais le cœur de Durandart avec un fin mouchoir de dentelle, et je parti aussitôt pour la France, non sans l'avoir auparavant sau-poudré d'un peu de sel pour l'empêcher de sentir mauvais et le présenter, sinon frais, au moins en salaison à dame Belerma, en
témoignage d'amour"…
Accompagnées par un solide chœur masculin plutôt équilibré dont le travail s'est avéré toujours sensible, nuancé et proche du sens du texte, et par des solistes inspirés de La Capella Rial de Catalunya, où l'on remarqua principalement les prestations du baryton Furio Zanassi et du contreténor David Sagastume, les aventures du Quichotte, magnifiées par ce type de romances aujourd'hui encore très populaire dans certaines régions d'Espagne - de sorte que l'on peut considérer qu'il n'y a guère de frontière entre la musique jouée dans ce programme et la culture commune - ont pu paraître ennuyeuses. En effet, une musique essentiellement portées par des figures rythmiques entêtantes qu'aucune mélodie élaborée ne traverse et sans grande complexité harmonique, présente peu d'intérêt au concert.
Cela dit, le spectateur curieux de découvrir en live les œuvres entendues sur le disque Don Quijote de la Mancha paru chez Alia Vox put constater ici l'absence de certains passages un rien irrévérencieux, voire coquins ; la totalité du programme aurait-elle été trop longue, ou certaines autorités ont-elles préféré s'en tenir au plus politiquement correct ? Cet état de fait ajoute au manque général de relief. Chaque pièce reste en deçà d'un apport dra-matique qui aurait pu véritablement accompagner l'histoire du Quichotte,
il faudra attendre l'enchaînement des Lacrymos et Requiem de Moralès,en fin de parcours, pour rencontrer un peu de théâtre - il ne saurait être indifférent, du reste, qu'il agisse dans ces pages d'inspiration religieuse ! En résumé, cette soirée d'ouverture parut assez terne, souffrant par ailleurs de nombreuses imprécisions de la part des instrumentistes d' Hespèrion XXI, entre soucis de hauteur et départs flous. En musique, le bonheur n'est pas toujours là où on l'attend…