Festival d'Ambronay, 16-Septiembre-2005

Festivals de septembre
Ambronay

Ultra-dominante baroque / Rh-A.nord-est (01) / 300m -
36 fois du 16-09 au 09-10

Il manquait à Ambronay une formule synthétique à travers le foisonnement baroque (par ailleurs dans la nature de ce temps de la culture humaine).
La 26^e édition l'invente, le centre (ou le met quelque part dans l'ellipse qui est symbole expansé du baroque), et le glorifie: c'est Eldorado, le souffle d'Iberia, la péninsule et son prolongement colonial, l'Amérique Centrale et du Sud.

"Ce sera une belle occasion, dit le Patron Alain Brunet, de mettre en correspondance les musiques dites savantes et les formes plus populaires et de tradition orale. Pour cela, un nouvel espace est créé, la Caravelle qui permettra d'accueillir les meilleurs artistes de ce répertoire pour des soirées conviviales, festives, hautes en couleur" Et, en évoquant le métissage au sein des missions jésuites en Amérique Latine, d'appeler à un métissage de publics… ainsi rendus plus heureux!

"Son jugement étant irrémédiablement perdu, il finit par tomber dans l'idée la plus étrange que jamais fou au monde ait pu concevoir: autant pour le profit de son honneur que pour le service de son pays, se faire chevalier errant et s'en aller, à travers le monde entier, en armes et à cheval, à la recherche des aventures, redressant toutes espèces de torts et s'exposant à des rencontres et à des dangers par lesquels il acquerrait renom et gloire éternels… " Et comme il avait raison, sur ce dernier point, le chevalier à la triste figure! C'est ainsi que Cervantes inventa non seulement un archétype de son pays, liquidant l'époque héroïque, mais un être de l'universel. Jordi Savall, quasiment co-père fondateur d'Ambronay, se devait de chercher de ce côté très ibérique les musiques inspirées par la figure tutélaire. Luys Milan, Antonio de Cabezon, Diego Pisador, Cristobal de Morales répondent présent, et avec Capella de Catalunya et Hespérion XXI, Montserrat Figueras et le récitant Jose-Maria Flotats, il présente Las Musicas del Quijote, en ouverture de l'édition 2005. Le Portugal est sans doute moins connu, ou intégré dans la mémoire collective des Européens pas très doués en histoire dans la seule Espagne, comme cela en effet se produisit au début du XVIIe… On prendra donc connaissance avec un vif intérêt de cette "splendeur polyphonique", par exemple avec Rodrigues Esteves dans la première moitié du XVIIIe: cest l'ensemble Byrd (Graham O'Reilly) qui exalte ces hauts moments. Divino Sospiro (Enrico Onofri) donne à redécouvrir, pour la même époque portugaise, les œuvres de F.A. de Almeida et de P.A.Avondano.

Et on ne s'étonnera pas davantage de constater le rôle conseiller et intervenant de Gabriel Garrido, lui qui a tant fait pour que les musiques chères à son cœur de Latino-Américain prennent leur place dans la culture des mélomanes européens, et à qui Ambronay a très tôt fait confiance et fête. Le voici dans les Vêpres de San Ignacio, que Domenico Zipoli – Italien émigré au Paraguay et en Argentine - écrivit au début du XVIIIe pour "comprendre une réalité culturelle étrangère et s'y adapter, afin de contribuer à son développement". L'Ensemble Cantar Lontano (Marco Mencoboni) veut démontrer la force conceptuelle de Diego Ortiz, qui à la fin du XVIe, écrivit pour la cour espagnole à Naples des partitions en référence à la philosophie de Platon et d'Aristote. Côté Nouveau Monde, c'est Modo Antiquo (Federico Maria Sardelli) qui attire l'attention sur un opéra très audacieux de Vivaldi, ce Motezuma qui constitue une critique virulente de l'installation et de la répression coloniales en Amérique (Cortès supprimant le dernier empereur aztèque), et dont il y a trois ans, la partition complète a été retrouvée puis éditée. Retour au XVIe pour les œuvres d'un élève de Moralès, Francisco Guerrero, qui fut grand voyageur méditerranéen et s'inspira aussi de la liturgie mozarabe remontant au Moyen-Age: Doulce Mémoire (Denis Raison-Dadre, le Renaissant grand habitué des mises en théâtre light et pleines d'humour) chantera et jouera les motets et messes d'un Grand Office à Séville. Quant à la Caravelle, elle accueillera Los Musicos de su Alteza, All'Improviso, l'Arpeggiata, Accentus Austria, Donaïres pour des œuvres entre baroque et musiques traditionnelles.

Il Sassone, disait-on de Johan Adolf Hasse en Italie du XVIIIe: les Paladins (Jérome Corréas) ressuscitent ses curieux Serpents de feu, dont la Venise cachottière (et par ailleurs amatrice de la mise au cachot) dérobait à la vue des spectateurs le déroulement d'opéra biblique…. Autre illustration biblique, celle-là bien française: Le jugement de Salomon, de M.A.Charpentier, auquel William Christie et ses Arts Flo ajouteront des anthems et airs sacrés de Purcell. W.Christie aura aussi fait travailler l'Académie Baroque des jeunes Européens, pour une tournée de l'Europe Galante d'André Campra, (re)créée à Ambronay. Dans l'intimité sonore du piano-forte (copié des instruments que Cristofori construisit pour la reine d'Espagne), Aline Zylberajch joue les sonates du Padre Soler et de Domenico Scarlatti; et l'ensemble Ausonia ornemente autour d'un clavecin restitué (cordes en boyau…), pour des partitions d'Ortiz, Biber, Froberger, Correa de Arauxo.
Les Solistes de Lyon (Bernard Tétu) se consacrent, eux, à un compositeur français de notre époque, Olivier Greif, mort en 2000, et dont l'œuvre sacrée – déjà donnée par eux au Prieuré du Bourget, cf.plumart N°76 / juin) – constitue un moment important de l'écriture de spiritualité…. (La dernière phase du festival sera présentée dans le n° d'octobre).

T. 04 74 38 74 04; www.ambronay.org
Ph. : Denis Raisin-Dadre ©DR